Impact environnemental des piles à combustible

Impact environnemental

L’hydrogène, en tant que vecteur d’énergie propre, est l’élément chimique le plus abondant dans l’univers, constituant environ 75 % de la matière normale en termes de masse et plus de 90 % en termes de nombre d’atomes [1]. Lorsqu’il est soumis à une réaction d’oxydation par voie électrochimique au sein d’un système de pile à combustible, l’hydrogène produit de l’eau pure comme sous-produit, tout en évitant l’émission de dioxyde de carbone. Ce phénomène a stimulé le développement rapide de la technologie de l’hydrogène, ce qui, combiné aux besoins croissants en énergie, a incité de nombreux pays à élaborer des feuilles de route nationales consacrées à l’hydrogène [1]. En France, une stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné a été annoncée par le gouvernement en 2020, et un plan France 2030, a été mis en place avec un financement substantiel de neuf milliards d’euros. Ce plan s’appuie sur les laboratoires de recherche et les entreprises innovantes en France pour créer une filière compétitive axée sur l’hydrogène renouvelable et à faible teneur en carbone. La France étudie par ailleurs actuellement la création d’un nouveau Crédit d’Impôt Investissement Industries Vertes (C3IV) , doté d’un budget de 500 millions d’euros.

Cet article se concentre sur piles à combustible à membrane échangeuse de protons (PMEP), qui sont généralement considérées comme étant prêtes sur le plan commercial pour des applications automobiles . Elles s’avèrent particulièrement adaptées pour les véhicules nécessitant une infrastructure hydrogène minimale, tels que les flottes de taxis, d’autobus, et les véhicules logistiques. En outre, cet article évoque le débat actuel concernant l’impact environnemental des piles à combustible, ainsi que les tendances de recherche actuelles dans le domaine des piles à combustible pour les véhicules automobiles.

 

Introduction aux piles à combustible

Les piles à combustible sont des dispositifs capables de convertir l’énergie chimique contenue dans l’hydrogène en énergie électrique, sans nécessiter de processus de combustion. Selon le type d’électrolyte utilisé, on peut classer les piles à combustible en plusieurs catégories, notamment les piles à combustible alcalines, les piles à combustible à membrane échangeuse de protons (PMEP), les piles à combustible à acide phosphorique, les piles à combustible à carbonate fondu, et les piles à combustible à oxyde solide [1]. La PMEP se distingue d’autres types de piles à combustible grâce à ses avantages distinctifs, tels qu’un démarrage rapide, une plage de températures de fonctionnement étendue (-40 à 90 °C) et une énergie spécifique élevée [1]. C’est pourquoi la PMEP est couramment utilisée dans les véhicules automobiles [1]. La structure typique d’une PMEP est représentée dans la Figure 1 ci-dessous.

Piles à combustible
Figure 1. Structure d’une pile à combustible à membrane échangeuse de protons

 

Au sein d’une pile à combustible PMEP, une membrane électrolytique est placée entre une électrode positive (cathode) et une électrode négative (anode). Dans ce dispositif, l’hydrogène est acheminé vers l’anode, tandis que l’oxygène provenant de l’air est dirigé vers la cathode. Suite à une réaction électrochimique se produisant dans le catalyseur de la pile à combustible, les molécules d’hydrogène se séparent en protons et en électrons. Les protons traversent ensuite la membrane pour atteindre la cathode, tandis que les électrons sont contraints de circuler à travers un circuit externe pour accomplir un travail (fournir de l’énergie à un moteur électrique). Finalement, les électrons se rejoignent aux protons du côté de la cathode, où ils s’unissent avec l’oxygène pour former de l’eau. Par conséquent, l’électricité est générée en combinant de l’hydrogène et de l’air au sein de la pile à combustible, et la seule émission résultante du véhicule est de l’eau.

 

Débat sur l’impact environnemental des piles à combustible

 

Le cœur d’une pile à combustible, qui joue un rôle essentiel dans la réaction électrochimique, est le catalyseur. Le platine (Pt) est utilisé comme catalyseur dans la PMEP, en raison de sa stabilité pendant les réactions de l’hydrogène et de l’oxygène qui ont lieu à l’anode et à la cathode, par rapport à d’autres matériaux [2]. Le platine est déposé sous forme de petites particules sur la grande surface de carbone qui sert de support. Bien que les piles à combustible soient considérées comme plus respectueuses de l’environnement que les systèmes de conversion énergétique classiques, il y a encore des discussions et débats sur ses inconvénients environnementaux, notamment sur l’utilisation de Pt. L’article d’Abdelkareem et coll. [3] a conclu que les impacts environnementaux négatifs des piles à combustible sont associés à la phase de fabrication et d’acquisition des matériaux. Par exemple, l’exploitation de métaux nobles, comme le platine, en tant que catalyseur dans les piles à combustible épuisera le réservoir de platine sur Terre. Selon l’article de Gordon et coll., les ressources mondiales de platine actuellement connues permettraient d’alimenter un parc de 500 millions de véhicules à pile à combustible pendant seulement 15 ans [4].

 

Cependant, Pollet et coll. ne partagent pas cette conclusion [5]. Dans leur article, ils ont mentionné que les réserves mondiales de platine sont estimées à environ 69 000 tonnes, et que le complexe Bushveld en Afrique du Sud à lui seul pourrait suffire à répondre à la demande mondiale de platine pendant un siècle. Actuellement, ce complexe produit 140 tonnes de platine par an, et il est envisageable d’extraire jusqu’à 10 000 tonnes de platine par kilomètre de profondeur. Pour consommer 75 000 tonnes de platine, il faudrait un total de 2,5 milliards de véhicules à pile à combustible à hydrogène, chacun contenant 30 grammes de platine, sans qu’il y ait de progrès techniques par rapport à aujourd’hui. Cela ne prend pas en compte le potentiel du recyclage du platine à partir des catalyseurs automobiles usagés, une opération qui peut atteindre un taux de récupération de 95 % grâce aux technologies actuelles [6]. En conséquence, Pollet et coll. ont conclu qu’il est peu probable que la disponibilité du platine constitue un obstacle majeur pour l’industrie automobile, en particulier si l’on considère que l’objectif actuel de réduire la quantité de platine à moins de 0,1 gramme par kilowatt-heure devrait probablement être atteint d’ici 2050. Cela placerait les piles à combustible au même niveau que les besoins actuels en platine pour les convertisseurs catalytiques, qui s’élèvent à environ 1 gramme pour les véhicules fonctionnant à l’essence.

 

Mudd et coll. [7] ont critiqué également la conclusion de Gordon et coll. [4]. Ils ont argumenté que, même si Gordon et coll. [4] ont suggéré que l’offre de platine pourrait devenir plus rare au cours des décennies à venir si la demande continue de croître, cette hypothèse n’est pas étayée par les données disponibles concernant les réserves. Afin d’évaluer de manière exhaustive l’impact environnemental de l’extraction du platine, Mudd et coll. ont analysé un ensemble de données relatives à l’extraction des platinoïdes. Ils ont regroupé des données concernant des aspects de la production tels que la teneur en minerai et l’échelle de production, avec des éléments liés à la durabilité, tels que les coûts associés aux émissions de gaz à effet de serre, à la consommation d’énergie et à l’utilisation de l’eau. Leur analyse a conduit à la conclusion qu’en termes de production et de ressources, il semble y avoir effectivement des ressources abondantes en platinoïdes, principalement concentrées dans le complexe de Bushveld en Afrique du Sud, avec des ressources supplémentaires au Zimbabwe, en Russie, aux États-Unis et au Canada.

 

En ce qui concerne la durabilité, Mudd et coll. ont avancé que, étant donné la prépondérance de l’électricité dans la consommation d’énergie, il existe peut-être des opportunités uniques pour l’extraction de platinoïdes en étudiant l’utilisation de technologies d’énergie renouvelable, ce qui pourrait contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ils ont également souligné que la question de la consommation d’eau revêt une importance cruciale, en particulier dans des régions arides comme le nord-ouest de l’Afrique du Sud. Les preuves concernant l’impact de certains projets de mine à grande échelle sur les ressources en eau varient, montrant soit des réductions significatives, soit des augmentations de la consommation d’eau. L’ampleur des effets sur les ressources en eau demeure donc sujette à controverse et incertaine. Dans l’ensemble, bien que les coûts environnementaux liés à la production de platine soient considérables, ils semblent être principalement liés au niveau de production. Compte tenu de la probable demande future, les coûts environnementaux cumulés dans une région aussi concentrée constituent à la fois un défi et une opportunité majeurs en matière de durabilité.

 

Axes de recherche actuels sur les piles à combustible

 

Malgré les débats sur l’impact environnemental du platine, la communauté scientifique s’accorde sur la nécessité de réduire l’utilisation du platine, de développer des catalyseurs sans platine, et d’accroître la durabilité des piles à combustible afin d’améliorer leur empreinte environnementale. Par exemple, Pollet et coll. ont souligné que la réduction des quantités de platine dans les catalyseurs à base de métaux précieux, sans compromettre les performances, est un domaine de recherche essentiel à explorer [5]. À cet égard, plusieurs groupes de recherche se penchent sur le problème de la dégradation du platine. Par exemple, l’Institut FEMTO-ST de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) a publié un article scientifique approfondi sur cette question [8]. Une discussion détaillée de ces axes de recherche dépasse le cadre de cet article. Les lecteurs intéressés peuvent se référer à l’article sur la dégradation du platine d’Okonkwo et coll. [2], ainsi qu’à l’article sur le développement de catalyseurs sans platine d’Osmieri et coll. [9] pour approfondir la compréhension de ces sujets.

 

 

 

Références

[1]          L. Fan, Z. Tu, et S. H. Chan, « Recent development of hydrogen and fuel cell technologies: A review », Energy Reports, vol. 7, p. 8421‑8446, nov. 2021, doi: 10.1016/j.egyr.2021.08.003.

[2]          P. C. Okonkwo et al., « Platinum degradation mechanisms in proton exchange membrane fuel cell (PEMFC) system: A review », International Journal of Hydrogen Energy, vol. 46, no 29, p. 15850‑15865, avr. 2021, doi: 10.1016/j.ijhydene.2021.02.078.

[3]          M. A. Abdelkareem, K. Elsaid, T. Wilberforce, M. Kamil, E. T. Sayed, et A. Olabi, « Environmental aspects of fuel cells: A review », Science of The Total Environment, vol. 752, p. 141803, janv. 2021, doi: 10.1016/j.scitotenv.2020.141803.

[4]          R. B. Gordon, M. Bertram, et T. E. Graedel, « Metal stocks and sustainability », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 103, no 5, p. 1209‑1214, janv. 2006, doi: 10.1073/pnas.0509498103.

[5]          B. G. Pollet, S. S. Kocha, et I. Staffell, « Current status of automotive fuel cells for sustainable transport », Current Opinion in Electrochemistry, vol. 16, p. 90‑95, août 2019, doi: 10.1016/j.coelec.2019.04.021.

[6]          C. Hagelüken, « Recycling the Platinum Group Metals: A European Perspective », Platinum Metals Review, vol. 56, p. 29‑35, janv. 2012, doi: 10.1595/147106712X611733.

[7]          B. J. Glaister et G. M. Mudd, « The environmental costs of platinum–PGM mining and sustainability: Is the glass half-full or half-empty? », Minerals Engineering, vol. 23, no 5, p. 438‑450, avr. 2010, doi: 10.1016/j.mineng.2009.12.007.

[8]          Y. Ao, K. Chen, S. Laghrouche, et D. Depernet, « Proton exchange membrane fuel cell degradation model based on catalyst transformation theory », Fuel Cells, vol. 21, no 3, p. 254‑268, 2021, doi: 10.1002/fuce.202100002.

[9]          L. Osmieri, J. Park, D. Cullen, P. Zelenay, D. Myers, et K. Neyerlin, « Status and Challenges for the Application of Platinum Group Metal-Free Catalysts in Proton Exchange Membrane Fuel Cells », Current Opinion in Electrochemistry, vol. 25, août 2020, doi: 10.1016/j.coelec.2020.08.009.

 

 

 

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Malo NGUYEN

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Amel BOUCHERKA

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